mercredi 9 avril 2014

Les bleus du PSG

Défaits à Stamford Bridge (2-0) sur des buts de Schürrle et Ba, les Parisiens voient leurs rêves de dernier carré s'envoler. Jamais dans le coup, dépassés par les événements, les hommes de Laurent Blanc peuvent s'en vouloir de ne pas avoir répondu présents dans les moments clés.


Ba, le sauveur de Chelsea, fan du PSG.


Le football est un sport cruel. Alors que le PSG semblait avoir réalisé le plus dur à l'aller en s'imposant avec deux buts d'écart (3-1), le club de la capitale a subitement vu son parcours européen s'arrêter une nouvelle fois en quarts de finale. Une fois de plus, les buts à l'extérieur auront eu raison du PSG, 3-3 sur l'ensemble des deux matchs, comme face à Barcelone la saison passée. Sauf que cette fois-ci, la défaite fait plus mal et la désillusion est plus grande. Novices, pas sûrs de leurs forces et respectant trop un Barca diminué, les Parisiens devaient se servir de cette élimination pour espérer aller plus loin cette saison. Face à une équipe moins joueuse, avec une réelle envie de produire du jeu, une expérience plus grande, les Parisiens se sont pris les pieds dans le plat et peuvent nourrir des regrets. L'échec face à Chelsea était-il évitable ?


Une gestion contrastée des événements




Comment aborder un tel match, c'était la question principale de l'entre deux-matchs côté parisien. Attaquer, défendre, attendre, partir à l'abordage, tant de solutions qui s'offraient à Blanc, mais qui après coup, ont été mis de côté par le tacticien du PSG. Et pourtant, le club de la capitale partait avec un avantage précieux, en jouant face à une équipe qui était obligée de se découvrir, de laisser des espaces, d'être un peu moins maîtresse des événements, de jouer avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Il n'en a rien été.

Pas à un seul moment, Chelsea a paru inquiété par le PSG. Pire encore, l'impression dégagée par les acteurs du match, le déroulement de la partie, poussaient à croire que Paris allait céder, non pas parce que Chelsea était au-dessus d'un point de vue technique, mais parce que le PSG n'a pas suivi un fil directeur qui lui aurait permis de déstabiliser son adversaire. Chelsea n'a pas été impressionnant d'un point de vue purement technique et footballistique. Là où le club londonien a montré qu'il était un grand club, c'est qu'il a su alterner entre périodes de possession, de pressing, sans s'affoler et se soucier ni du temps qu'il restait à jouer, ni du résultat.

Durant la première demi-heure, les Parisiens ont géré, essayant de produire du jeu sans être dangereux dans les zones critiques. Chelsea a semblé tranquille, sûr de sa force, attendant de trouver la faille pour passer à l'étape suivante. L'ouverture du score de Schürrle est l'élément déclencheur de la seconde phase des Blues : la pression. Menés, les Parisiens ont été étouffés par Chelsea, n'arrivant que très rarement à ressortir le ballon et à en faire bonne utilisation. Là où Chelsea a été très fort, c'est que le club anglais a continué le pressing après la mi-temps, comme s'il n'y avait pas eu de coupure. Les Parisiens, pas habitués à subir, se remettent difficilement dans le bon sens, et profitent du fait que Chelsea baisse délibérément le pied, pour les faire sentir en confiance et faire remonter le bloc.

Plus le match avançait, plus les Parisiens ne savaient plus quoi faire, s'il fallait attaquer ou défendre la maigre avance dont ils disposaient. Une situation difficile à gérer, car chaque décision prise par l'entraîneur, chaque geste effectué par un joueur, compte et peut avoir de lourdes conséquences sur l'issue de la rencontre.


La faillite des éléments-clés




La défense parisienne n'a pas été au niveau. Elle n'a pas pris l'eau, elle a réussi à museler les attaquants de pointe censés être les plus dangereux sur les deux matchs, mais a été le symbole de cette élimination du PSG. Thiago Silva, meilleur défenseur du monde pour beaucoup, fêtera ses 30 ans avant de voir un jour le dernier carré de la compétition. Le capitaine Parisien n'a pas été le moins bon, mais sa fébrilité sur certaines actions est symptomatique du mal parisien lorsqu'il s'agit de se mettre sur le mode défensif. A de nombreuses reprises, le numéro 2 du PSG a dégagé le ballon loin devant, en touche, alors qu'à l'accoutumée, il aurait tranquillement cherché à faire la première passe utile à la construction du jeu.

Dans son sillage, ses deux compères Brésiliens, ont été d'une faiblesse rare. Alex a paru complètement dépassé, en retard sur plusieurs actions, Maxwell, lui, est fautif sur le second but en laissant Ba tout seul face à Sirigu, après s'être fait bouger à maintes reprises par Willian. Jallet, bon à l'aller, a lui aussi souffert face à Oscar, même s'il n'est pas à blâmer sur cette rencontre. Au milieu, Verratti a paru lui aussi à côté de ses crampons, montrant qu'il est le patron lorsque le PSG va bien, mais déjouant totalement, et parfois tout seul et de manière incompréhensible, lorsque le PSG a besoin d'un joueur qui stabilise le milieu. Motta a été le meilleur parisien, toujours au niveau, tandis que Matuidi, qu'on attendait tous dans ce genre de rencontre où il peut montrer qu'il est un besogneux et que Paris a besoin d'un joueur comme ça, a livré une prestation très moyenne.

Cavani, qui réclamait à cor et à cri une place d'attaquant de pointe, devra trouver un meilleur moment pour faire part de ses caprices. Comme depuis le début de l'année, l'Uruguayen a livré une prestation indigente, trop quelconque pour pouvoir mettre son équipe sur les bons rails. L'ancien Napolitain est l'exemple typique de l'attaquant en vogue qu'on aime mettre en avant, mais qui n'a jamais prouvé qu'il pouvait être l'homme providentiel dans les moments clés, à l'image d'Agüero qui n'a jamais su réaliser ses prouesses du championnat en Champion's League avec City, et bien d'autres attaquants qui ratent la marche quand on les attend au tournant. Lavezzi et Lucas ont paru esseulés, sans point d'appui dans l'axe pour pouvoir s'articuler autour et permuter d'un côté à l'autre. L'attaque parisienne a été individualiste, un comble quand on sait que pendant de longues années, la star de cette équipe était taxée de ce mal.


L'ombre d'Ibrahimovic




La star de cette équipe a laissé un vide trop grand pour que Paris puisse s'en sortir par le jeu. Beaucoup de supporteurs parisiens et de fans de football reprochent à Ibrahimovic de s'effacer dans les gros matchs de Ligue des Champions, regardent ses performances avec dédain et trouvent même que Cavani ferait un meilleur travail s'il était à sa place. C'est négliger l'importance du Suédois que d'avancer de telles choses. Ibrahimovic a la spécificité d'être un des seuls joueurs au monde à être au four et au moulin, dans le bon comme dans le mauvais, en ayant une place prépondérante dans tout ce qu'effectue son équipe, plus encore depuis qu'il est au PSG. Comme Messi face au Bayern, à 10% de ses capacités, qui ne peut pas empêcher son équipe de couler, ou Ronaldo face à Dortmund, qui a vu son équipe se faire balader en son absence.

Auteur d'un match moyen à l'aller, il n'avait pas été épargné par les critiques. Après l'élimination du PSG à Stamford Bridge, la réalité est la suivante : avec un Ibrahimovic moyen, Paris gagne 3-1. Sans Ibrahimovic, le PSG perd une deuxième fois par plus de deux buts d'écart alors que ça ne lui était arrivé qu'une fois en 111 matchs. Le rôle de l'ombre de l'attaquant Suédois, celui qu'il effectue lorsqu'il ne marque pas un but dans un match, est aussi important que son impact sur le jeu parisien. A l'aller et face à une équipe regroupée, le géant Suédois s'est sacrifié au milieu du quatuor Terry/Lampard/Ramires/David Luiz, pour permettre à ses coéquipiers d'avoir plus d'espaces, d'où les bons matchs de Lavezzi et des latéraux. Son repli défensif, sa présence dans les zones clés, son aura, sont autant de paramètres qui ont cruellement manqué au PSG à Londres.

Aussi bon soit-il, Cavani n'a pas les épaules pour remplacer Ibrahimovic. L'Uruguayen n'a ni la forme, ni le talent, ni la carrure pour avoir les responsabilités du Suédois, qui insuffle à ses partenaires la hargne et l'envie de vaincre. D'un point de vue strictement tactique, l'absence d'Ibrahimovic a été catastrophique. Alors qu'on pensait que la présence de Cavani à son poste préférentiel, entouré de deux ailiers virevoltants, suffirait à faire sauter le verrou londonien, beaucoup moins resserré qu'à l'aller, ce match nous a confirmé que sans Ibrahimovic, rien n'est pareil. Le Suédois organise le jeu en redescendant d'un cran, soulageant ses milieux et laissant ses deux coéquipiers de l'attaque se projeter vers l'avant. Ibrahimovic est la pièce maîtresse d'une tactique bien huilée, qui sans lui, n'a ni queue ni tête.


Le bleu Blanc




La machine huilée que Blanc a créée est sympathique à voir jouer. Seulement, elle est intouchable en Ligue 1. En Champion's League, l'histoire est différente, et Blanc se doit, se devait d'avoir des plans autres que celui du « jeu, jeu et jeu ». Prétention, inconscience ou philosophie jusqu’au-boutiste, Blanc a failli et s'est trompé sur toute la ligne, chose que l'on redoutait avant même le match aller. En l'absence d'Ibrahimovic, Blanc devait trouver une solution à son 4-3-3, qui n'aurait de toute façon pas été le même avec l'absence d'un tel joueur, qui à lui seul arrive à créer le mouvement.

Vouloir marquer est une chose, penser que l'on peut avoir les mêmes résultats en termes de construction, de finition, en remplaçant uniquement les joueurs au poste pour poste est l'erreur fatale de Blanc. Cavani en pointe, ce n'est pas Ibrahimovic, l'articulation avec les joueurs qui l'entourent n'est pas la même, l'équilibre n'est plus aussi flagrant. Sa volonté systématique de remplacer Verratti à l'heure de jeu par Cabaye, est une des incompréhensions qui entourent le coaching de Blanc, n'arrivant pas à se montrer prévisible et trop frileux pour chercher à consolider son milieu de terrain en laissant des joueurs techniques sur la pelouse, pour mieux contrôler le ballon, au profit de Matuidi par exemple.

En face, Mourinho tente des choses, déséquilibre son équipe dans le but de déstabiliser totalement l'équipe adverse. Il finit le match avec David Luiz au milieu, un joueur qui est habituellement défenseur, et cinq joueurs à vocation offensive dont trois attaquants de pointe et un ailier. Même avec une équipe aussi offensive, dépourvue de point d'appui au milieu, Chelsea a su rester solide et a créé un mouvement plutôt que de rester cantonné à une formation spécifique. Blanc n'a pas su répondre à cette initiative de Mourinho, n'a jamais su quoi faire, n'a pas tenté de semer le trouble dans la tête des Londoniens en ne changeant pas de cap et en voulant gagner comme il a l'habitude de le faire, sans avoir le souci de s'adapter.

Faire rentrer Pastore à vingt minutes de la fin est un choix que l'on peut juger discutable. L'entrée du Parisien, plutôt bonne, a apporté des solutions que le PSG semblait chercher pendant plus d'une heure. Une titularisation de l'Argentin, excellent dans les petits espaces et capables de se défaire de la pression adverse grâce à une nonchalance qui l'a toujours servie dans les gros matchs, aurait pu permettre à Cavani d'être mis dans de meilleures dispositions. Au lieu de ça, Blanc a donné le bâton pour se faire battre et a répondu au coaching de Mourinho par un « blindage », en sortant Lucas pour Marquinhos, le seul et unique changement qui n'a pas été du poste pour poste sur les deux confrontations, à moins de dix minutes du coup de sifflet final.

Tout n'est pas à jeter pour Blanc. L'entraîneur français a réalisé du bon travail jusque-là, mais on ne peut s'empêcher de penser que malgré un visage plus attrayant, une meilleure maîtrise du ballon que la saison passée, le PSG s'arrête au même stade de la compétition avec plus de regrets. Sa volonté de toujours jouer, de ne pas chercher à répondre par une nouveauté en matière de plan de jeu, d'avoir mal géré les événements, lui ont coûté cher. Le pragmatisme de Mourinho et de bien d'autres entraîneurs a manqué à Blanc, qui doit se servir de cet échec pour mieux aborder ce genre de rencontres.


Expérience, Ligue 1,...




La question de l'inexpérience du PSG à ce stade de la compétition revient beaucoup pour justifier l'échec du club de la capitale. Oui et non. Il est indéniable que Chelsea, qui a mis presque dix ans pour soulever la coupe aux « grandes oreilles », à la suite de très nombreux investissements, est un club qui a de la bouteille, qui sait comment aborder ce genre de rencontres. Son vécu, ses échecs, ses victoires, tant de choses qui font que les « Blues » savaient très bien où ils mettaient les pieds. Mais après un match aller où il réussit à faire plier le club londonien, Paris avait-il besoin de cette expérience pour réussir à gérer un score que l'on peut juger « suffisant » ? Dortmund est arrivé en finale en 2013, en écrasant ses adversaires et en jouant toujours de la même manière, après s'être fait lamentablement éliminer la saison précédente. Expérience ? Le Porto de Mourinho venait de gagner l'UEFA, et s'est facilement imposé en 2004. Expérience ?

Plus que l'expérience, Paris n'a pas su répondre présent quand il le fallait. Il est anormal qu'un club qui a de telles ambitions, se fasse rouler dans la farine comme il l'a été à Stamford Bridge. L'absence d'Ibrahimovic est préjudiciable, mais elle ne doit pas être à ce point handicapante. Ramires absent au retour, Hazard qui sort prématurément sur blessure, Chelsea n'a jamais donné l'impression d'être victime des aléas du match, et a montré à Paris qu'il était un bloc qui ne dépend pas d'une individualité. L'expérience, c'est face au Barca que Paris est allé la chercher, les joueurs qui composent l'effectif ont pratiquement tous connu des grands moments dans leurs carrières respectives. Cette défaite est un échec cuisant dont il faudra se relever si le club parisien veut atteindre le dernier carré dans les années à venir.

La Ligue 1 risque-t-elle de devenir un handicap pour le PSG ? Il est fort probable que ce soit une des raisons qui expliquent l'incapacité du PSG à montrer du répondant face à des adversaires costauds. Les Parisiens se baladent en championnat, et font face à des équipes qui sont maintenant résignées à l'idée de les affronter, alors que la saison passée, elles leur donnaient un peu plus de fil à retordre. Chelsea a l'habitude de ce genre de confrontation dans son championnat, même si les caractéristiques du PSG sont inédites et qu'il existe peu d'équipes munies d'autant de bons joueurs à tous les postes en Premier League. Mais là aussi, cela ne semble pas un motif suffisant pour expliquer le non-match des Parisiens à Londres.


Les Parisiens ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes. Chelsea n'a pas été extraordinaire, mais a montré un visage digne des meilleures équipes européennes. Sa capacité à ne pas tituber, à gérer les moments forts et moments faibles, à constituer un bloc équipe, fait de ce club une véritable plaie à jouer. Paris n'aura réalisé qu'une seule bonne période sur les quatre. Trop peu pour prétendre au carré final, mais encourageant pour la suite car il faudra chercher à se perfectionner dans les moments clés.

Ibrahimovic aurait-il pu envoyé le PSG dans le dernier carré?

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