samedi 15 mars 2014

Huntelaar, la résurrection du renard orangé?

Véritable chasseur de buts, Klaas-Jan Huntelaar fait partie de ces attaquants mésestimés au profil de tueur. A bientôt 31 ans, celui qu'on surnomme "The Hunter", n'a plus de temps à perdre. Après un début de saison compliqué du côté de Gelsenkirchen, Huntelaar semble retrouver son niveau et montre le bout de son nez à l'approche du Mondial. Portrait d'un joueur atypique.

Klaas-Jan Huntelaar, le renard néerlandais.

Revoilà Klaas-Jan Huntelaar! Longtemps écarté des terrains de Bundesliga en raison de nombreux pépins physiques récurrents, l'attaquant batave est de retour à son meilleur niveau. Longtemps considéré comme le futur Marco Van Basten et comme le successeur de Ruud Van Nistelrooy à la pointe de l'attaque des Oranje, l'ancien ajacide n'a pas suivi la trajectoire de la carrière qu'on lui promettait, voguant entre succès et échecs. Retour sur une carrière mouvementée.


De la déception à éclosion d'un renard assassin


Rien ne laissait présager une carrière de footballeur à Klaas-Jan Huntelaar. Et pourtant, le natif de de Voor-Drempt, bourgade de 1300 habitants à l'est des Pays-Bas, a réussi à atteindre son rêve. Âgé d'à peine 11 ans, il intègre le centre de formation de De Graafschap dans lequel il fait ses gammes jusqu'à l'âge de 17 ans. Après avoir connu tous les postes, de gardien à attaquant en passant par latéral gauche, c'est en tant qu'attaquant de pointe que Klaas-Jan exprime le mieux ses capacités. Ses belles performances ne passent pas inaperçues, et il rejoint le PSV Eidhoven en 2000, durant la Coupe d'Europe organisée dans le pays de Rembrandt.

Au PSV, il confirme qu'il est une future graine de champion en martyrisant toutes les défenses qu'il rencontre lorsqu'il évolue dans les équipes de jeunes. Ses prouesses sont remarquées, et c'est en 2002 qu'il est promu en équipe première, à l'époque dirigée par Guus Hiddink, fraîchement auréolé d'une quatrième place au Mondial 2002 avec la Corée du Sud. Le technicien batave le lance dans le grand bain le 23 novembre 2002 sur la pelouse du RBC Roosendaal pour les 15 dernières minutes du match. Ce baptême du feu pour le joueur de 19 ans sera le seul et unique match disputé pour la formation sponsorisée par Phillips. Il est prêté dans la foulée à son premier club formateur, De Graafschap, où il joue seulement 10 matchs sans jamais trouver les filets, et n'empêche pas la descente du club à l'étage inférieur. La déception est grande pour Huntelaar, qui vit un début de carrière compliqué.

Conscient de ses capacités, de sa force, et comprenant qu'il faudra qu'il gravisse les échelons un par un, il accepte d'être prêté temporairement à un petit club en deuxième division, pour pouvoir enmagasiner une expérience solide et percer dans l'élite du football hollandais. Il atterrit à AGOVV Apeldoorn au moment où il fête ses 20 ans. En 35 matchs avec son nouveau club, il inscrit 26 buts et termine meilleur buteur et meilleur joueur de la seconde division hollandaise. Une réussite pour l'attaquant, qui se fait un nom dans son pays et qui se sent prêt à tenter de nouveau sa chance en Eredivisie.

Sa marge de progression étant désormais connue, il opte pour le SC Heerenveen plutôt que de retourner au PSV, qui était à l'époque bien garni, et où il savait qu'il n'allait pas réussir à exprimer ses qualités. Huntelaar décide de rejoindre le club qui a vu éclore Ruud Van Nistelrooy, John Dahl Tomasson ou encore l'emblématique Hans Vonk. Sa première saison est une réussite: il termine avec un ratio proche de 0.5 but par match et inscrit 16 buts en 31 matchs de championnat. La Hollande se trouve un nouveau chasseur de buts, qui confirme dès l'année suivante en marquant 17 buts en 15 matchs de championnat lors de la première partie de la saison. Cette insolente réussite du jeune attaquant de 22 ans, ne laisse pas insensible l'Ajax d'Amsterdam, qui n'hésite pas à payer 9 millions d'euros pour s'attacher ses services au cours de la saison 2005/2006. Klaas-Jan devient "The Hunter".


Heerenveen, où Huntelaar s'est affirmé, est un club qui a vu naître de grands attaquants.


Le nettoyeur de l'Ajax


9 millions d'euros. Jamais un club hollandais n'avait autant déboursé pour attirer un joueur. C'est un million de plus que la somme payée par le club d'Amsterdam à Malmö lorsqu'ils ont enrôlé Zlatan Ibrahimovic. Le Suédois ayant laissé un vide après son départ pour la Juventus, c'est Ryan Babel qui lui a succédé à la pointe de l'Ajax. L'attaquant néerlandais ne convainc pas et est replacé sur l'aile gauche pour laisser place à Angelos Charisteas et Markus Rosenberg. Les deux attaquants présentent des statistiques raisonnables, mais pas assez bonnes au goût de Danny Blind. C'est alors qu'Huntelaar entre dans la danse. Et il met rapidement tout le monde d'accord.

En plus de ses 17 buts marqués avec son club, Huntelaar en rajoute 16 autres en autant de matchs. L'adaptation semble avoir été rapide aux côtés de Sneijder, qui l'épaule devant, et avec qui il forme un tandem de choc. Il finit meilleur buteur du championnat pour la première fois de sa carrière, avec ses 33 buts en 31 matchs. Jamais un joueur néerlandais n'avait mis autant de buts depuis Marco Van Basten lors de la saison 1986/1987, où il avait trouvé le chemin des filets 37 fois.

La saison suivante, l'attaquant confirme ses bonnes sensations au sein du club d'Amsterdam. Malgré une élimination de la course à la Champion's League par le FC Copenhague, il est un élément important de l'effectif dirigé par Henk ten Cate. Il est moins prolifique que lors de son arrivée dans la capitale hollandaise car désormais, les défenseurs adverses sont plus attentifs à ses déplacements et à son jeu tout en furtivité. Il inscrit 21 buts en 32 matchs de championnat, un ratio beaucoup moins impressionnant que les saisons précédentes, mais met tout de même 7 buts en Coupe de l'UEFA et 4 buts en Coupe. La Coupe, c'est d'ailleurs le premier trophée qu'il gagne en club. 36 buts en 51 matchs, un bilan plus qu'honorable pour la gâchette d'Amsterdam, qui commence à se faire un nom sur la scène européenne.

La saison 2007/2008 est celle de tous les records pour l'artificier de l'Ajax. Malgré une victoire en Supercoupe, le club ne parvient toujours pas à retrouver la compétition reine en Europe, et piétine son football en championnat. Huntelaar, lui, hisse son niveau à un niveau très élevé et reprend son trophée de meilleur buteur à Afonso Alves, et fini une nouvelle fois avec 33 buts en 34 matchs. Il fait mieux que Ruud Van Nistelrooy en finissant une seconde fois meilleur buteur d'Eredivisie avec plus de 30 buts. Seuls Leo Canjels, Henk Groot, Ruud Geels et Marco Van Basten ont réalisé cette prouesse côté hollandais, Mateja Kezman étant lui le seul joueur étranger ayant évolué aux Pays-Bas à en faire de même.

L'Ajax et Huntelaar, une grande histoire d'amour.


L'appel du large... et le naufrage


Ses bonnes performances lui ont ouvert les portes de la sélection, avec qui il joue l'Euro 2008. Marco Van Basten a repris les rênes de son club de toujours, et donne le brassard de capitaine à son attaquant. Cependant, Huntelaar se blesse vite et réalise une première partie de saison quelconque, malgré des débuts une nouvelle fois prometteurs. Sans le savoir, l'aventure avec l'Ajax s'arrêtait là. 105 buts en 136 matchs, c'est le bilan ahurissant de l'attaquant batave avec le club d'Amsterdam. Au mercato hivernal de la saison 2008/2009, il rejoint la colonie hollandaise du Real Madrid, où évoluent Van Nistelrooy, Sneijder, Van der Vaart, Robben et Drenthe, pour une vingtaine de millions d'euros. La Maison Blanche s'attache les services de l'attaquant néerlandais pour remplacer son compatriote Van Nistelrooy, blessé pour de longs mois.

Les performances de l'attaquant de 25 ans sont mitigées. Revenant de blessure et ne pouvant pas participer à la Champion's League, il n'arrive pas à s'intégrer de manière pérenne au sein de l'effectif madrilène. La présence de nombreuses stars, la pression ambiante autour du club, le jeu peu attrayant proposé par Bernd Schuster, sont tant de paramètres qui rassemblés, ne participent pas à l'affirmation de la gâchette batave sur le front de l'attaque madrilène. Il inscrit tout de même 8 buts en 20 matchs, bilan respectable mais trop peu élevé pour s'imposer dans un club comme le Real Madrid. Sur ses 8 buts, il inscrira trois doublés coups sur coups, et restera muet de très nombreux matchs, d'où l'insatisfaction des dirigeants madrilènes, qui décident de se séparer de lui, seulement quelques mois après son arrivée.

Il n'a pas trop de mal à retrouver un club et est recruté pour 15 millions d'euros par le Milan AC. Le club italien connaît certaines difficultés depuis le titre glané en Champion's League en 2007, et a du mal à se remettre en selle après le départ de Carlo Ancelotti. L'effectif est vieillissant et a besoin de retrouver de l'allant, mais doit surtout faire face à la montée d'un club comme l'Inter, qui a effectué un recrutement XXL avec les signatures successives de Sneijder, lui aussi lâché par le Real Madrid, Eto'o, Milito ou Motta. La pression se fait d'ors et déjà étouffante pour un joueur qui n'a pas réussi à s'imposer en dehors de son pays d'origine. Comme au Real Madrid, le Milan AC apparaît comme une marche trop haute pour lui. Il reste dans l'ombre de Boriello et Pato en ne mettant que 7 buts en 25 matchs. Ce nouvel échec cuisant pour Huntelaar pose la question de son mental et de son niveau pour jouer dans un grand club. Le doute s'installe, "The Hunter" semble avoir perdu son instinct de tueur.


Huntelaar, accompagné de Raul, sous les couleurs du Real Madrid.


Les montagnes russes en terre allemande


Deux saisons chaotiques, une finale de Coupe du Monde perdue. Le moral de Klaas-Jan Huntelaar est au plus bas. Comme si cela ne suffisait pas, l'attaquant est poussé vers la sortie par le club lombard à la fin du mercato estival 2010. Huntelaar paie les frais du jeu de chaises musicales orchestré par les clubs européens. David Villa remplace Zlatan Ibrahimovic au FC Barcelone, le Suédois atterrit... au Milan AC. Huntelaar sait que ses jours sont comptés de l'autre côté des Alpes. Il trouve finalement chaussure à son pied à Schalke. Le club allemand recrute l'attaquant batave, qui forme à partir de là un duo déjà vu du côté du Real Madrid, avec l'emblématique Raul.

Sa première saison ressemble à toutes celles qu'il a réalisées en dehors des Pays-Bas. Un bilan moyen en championnat, dans l'ombre de Raul, avec 8 buts en 24 matchs. Les doutes persistent, mais Klaas-Jan ne s'avoue pas vaincu pour autant. L'excellent parcours du club allemand en Champion's League, qui atteint les demi-finales de la compétition avant de tomber face à Manchester United, prouve à Huntelaar qu'il est dans le bon club: un club majeur en Allemagne, de second zone en Europe. Le cocktail parfait pour jouer son football sans qu'on lui reproche d'être en dessous du niveau qu'on attend de lui.

La saison 2011/2012 est la saison qui change tout pour l'attaquant de l'Oranje. Il trouve ses marques dans la Ruhr et retrouve son niveau de l'Ajax. Épargné par les problèmes de cheville qui lui ont causé beaucoup de tort, il marque la Bundesliga de son empreinte, en marquant 29 buts en 32 matchs. Aucun joueur n'avait fait mieux depuis Karl-Heinz Rummenigge lors de la saison 1980/1981. Mieux encore, aucun joueur étranger n'a marqué autant que lui sur une saison complète de Bundesliga. Le chasseur est de retour. Il ne s'arrête pas là; sur la scène européenne, il inscrit 14 buts en 12 matchs d'Europa League, avant de tomber sur un l'Atheltic Bilbao en demi-finale. Avec 53 buts en 60 matchs, il réalise la meilleure saison de sa carrière. Irrésistible, il finit sur le podium des meilleurs buteurs mondiaux, juste derrière Lionel Messi et Cristiano Ronaldo. c'est le dernier joueur à avoir trusté ce podium avant que les deux derniers Ballon d'Or, accompagné par Zlatan Ibrahimovic, ne se réservent les trois première places depuis maintenant deux ans.

Malgré cette énorme saison, Huntelaar retombe dans ses travers, et est de nouveau victime de nombreuses blessures. Son physique ne lui permet pas de perdurer au très haut niveau, et semble être un attaquant qui donne tout sur une période donnée avant de payer ses efforts sur la durée. La saison 2012/2013 est compliquée pour lui, et finit avec 10 réalisations en 26 matchs. Jusqu'où Huntelaar peut-il repousser ses limites?

Huntelaar à Schalke, une affaire qui marche.


La sélection hollandaise: Je t'aime, moi non plus


Sa trajectoire en sélection est-elle la même que celle en club? Oui et non. Après avoir joué dans toutes les équipes de jeunes, Huntelaar devient un pilier de l'équipe Espoirs, au point d'être un possible sélectionné dans les 23 pour le Mondial 2006. Malheureusement pour lui, il n'est pas retenu par Marco Van Basten. Il joue l'Euro 2006 Espoirs au Portugal, qu'il remporte en finissant meilleur buteur de la compétition. Il est d'ailleurs le meilleur buteur de l'histoire de l'équipe Espoirs avec 18 buts en 24 matchs.

Il est appelé pour le match amical face à l'Irlande après le Mondial. Il honore sa première sélection et réalise un match parfait: 2 buts et deux passes décisives. Dans la foulée de ses performances avec l'Ajax, "The Hunter" gravit les échelons avec la sélection. Il participe à l'Euro 2008 où il inscrit un but lors du seul match qu'il joue, le match dit des "coiffeurs" face à la Roumanie (2-0).

Après le départ de Marco Van Basten, il devient l'attaquant de pointe titulaire de la sélection sous Bert Van Marwijk jusqu'au Mondial en Afrique du Sud. Très peu en vue avec le Milan AC, il finit par perdre sa place de titulaire pour la compétition, une grande déception pour lui. Pour beaucoup, la non-titularisation de l'attaquant lombard à la pointe de la sélection batave durant le Mondial 2010, est la principale raison de l'échec hollandais. Robin Van Persie, qui a laissé les blessures derrière lui, n'a pas réussi à hausser son niveau de jeu avec la sélection, et a traversé la compétition comme un fantôme. La présence d'un joueur comme Huntalaar, grâce à son profil de tueur, aurait pu être une solution de rechange efficace pour pallier le manque d'efficacité du Gunner.

Ce scénario se répète à l'Euro 2012. Malgré une première saison mitigée avec Schalke, ses prestations en sélection sont de très bonnes factures, avec 10 buts en 8 sélections. Il termine meilleur buteur de la zone Europe lors des éliminatoires de l'Euro 2012, et pose le problème de l'attaquant qui doit être titulaire en pointe de la sélection. Une nouvelle fois, Van Marwijk décide d'aligner Van Persie en tant que numéro 9. Les Oranje sont éliminés dès le premier tour de la compétition, Van Marwijk utilisant Huntelaar comme "pompier de service", en le mettant sur le terrain dans les pires dispositions possibles pour un attaquant, voulant qu'il aide ses coéquipiers à remonter un score plutôt que de les aider à ouvrir la marque et à gérer.
Avec 34 buts en 60 sélections, Huntelaar est le sixième meilleur buteur des Oranje, à sept longueurs de Van Persie.


L'heure de la revanche?


Huntelaar a franchi le cap symbolique de la trentaine. A-t-il toujours la fougue et l'envie de donner? Un attaquant avec son profil n'est jamais rassasié. Son début de saison moyen n'a rien arrangé à sa situation, mais rien n'est moins sûr. Le club de Schalke a connu pas mal de soucis, avec des cadres défaillants à tous les postes. Howedes semble moins rassurant que les saisons passées, Papadopoulos réalise une saison quasiment blanche, Boateng ne confirme pas ses bons débuts à Gelsenkirchen. Le club allemand se repose sur ses jeunes, Draxler, Meyer ou Neudstadter.

Et pourtant, depuis maintenant quelques matchs, Klaas-Jan Huntelaar donne l'impression de retrouver son tout meilleur niveau. Auteur de seulement 4 buts lors de la première partie de saison, l'attaquant batave aligne des prestations plus convaincantes les unes que les autres. Le déclic a eu lieu en Champion's League. Malgré la rouste subie au Veltins Arena face au Real Madrid (1-6), c'est depuis ce match que le numéro 25 du club dirigé par Jens Keller est libéré. Depuis son but extraordinaire, où il a fracassé la barre de Casillas, Huntelaar ne s'arrête plus: un triplé face à Hoffenheim, un doublé vendredi soir sur la pelouse d'Augsbourg, Huntelaar a doublé son total de buts depuis le début de la saison en l'espace de deux matchs.

C'est une bonne nouvelle pour le club de Schalke, qui aura besoin d'un grand attaquant pour prendre la seconde place du championnat au Borussia Dortmund, mais aussi pour la sélection de Luis Van Gaal, en mal de joueurs expérimentés. La présence de joueurs très jeunes n'est pas gage de réussite pour la sélection, qui doit pouvoir compter sur les anciens pour espérer réaliser quelque chose au prochain Mondial, dans un groupe très relevé où ils devront faire face à l'Espagne, leur bourreau de 2010, et au Chili. La baisse de forme significative de l'attaquant titulaire, Van Persie, est une aubaine pour Huntelaar, qui se doit de profiter de la période difficile du mancunien pour espérer avoir une chance de jouer un rôle majeur avec l'Equipe nationale.

A bientôt 31 ans, le renard de Voor-Drempt ne peut plus se permettre de gâcher son talent. C'est le moment ou jamais pour lui de prouver qu'il est l'un des tous meilleurs chasseurs d'Europe.


Robin Van Persie Klaas Jan Huntelaar Netherlands v Germany - Group B: UEFA EURO 2012
Luis Van Gaal va-t-il aligner Huntelaar et Van Persie à la pointe de l'attaque hollandaise durant le Mondial?




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