jeudi 13 mars 2014

Manchester City, le mal européen

Décevants lors de leur double confrontation face au FC Barcelone, les Citizens trébuchent une nouvelle fois de façon prématurée sur la scène européenne. Malgré un effectif bien garni, Manchester City n'arrive pas à s'imposer comme un club important sur le plateau continental, et suscite des interrogations quant à son modèle de développement. Tour d'horizon des forces et faiblesses du club mancunien.


Les joueurs de City, dépités après leur nouvelle défaite face à Barcelone au Camp Nou (2-1)

La malédiction continue pour les Skyblues. Outsider sérieux après leur excellente phase de poules, où ils ont réussi l'exploit de battre le Bayern sur leur pelouse (2-3), certes déjà qualifié, les coéquipiers de Vincent Kompany ont une nouvelle fois déçu et ont vu leur parcours européen stopper net par un Barça supérieur à tout point de vue. Depuis son titre de champion d'Angleterre glané il a près de deux ans, le "deuxième" club de Manchester stagne, malgré un effectif pléthorique à première vue, et pose le problème de savoir si oui ou non, il y a moyen de remédier à cette situation préoccupante.



La formation d'une équipe compétitive



Depuis le rachat du club par fond d'investissements émirati dirigé par Khaldoon Al Mubarak, le club est passé dans une autre dimension. Le nouveau propriétaire annonce d'emblée la couleur et ne lésine pas sur les moyens. Les transferts onéreux se suivent et se succèdent, de l'arrivée de Robinho à celles de Given, De Jong, puis de Kolo Touré, Tevez, Barry, Adebayor ou Lescott la saison suivante, le club a toutes les cartes en mains pour progresser de manière fulgurante et bousculer la hiérarchie en championnat, mettant à mal le "Big Four" composé par Chelsea, Arsenal, Liverpool et Manchester United.

Les signatures de l'autre Touré, de Boateng, David Silva, Dzeko, Balotelli ou Kolarov, permettent à Manchester City de finir pour la première fois depuis la saison 1976/1977, sur le podium en championnat. L'objectif des nouveaux propriétaires étant de bien figurer en championnat, puis sur la scène européenne, le club suit une progression logique et peut espérer s'imposer comme un grand club aux yeux des autres grands du continent.

Aguëro, Nasri, Clichy rallient le nord de l'Angleterre durant le mercato 2011, et participent grandement à l'obtention du titre lors de la saison 2011/2012, le troisième sacre pour Manchester City, le premier depuis près de 44 ans. Une éternité. Le scénario rocambolesque de cette fin de saison ravive une flamme longtemps éteinte dans le cœur des supporteurs des Skyblues, qui se mettent à rêver plus grand avec l'Europe en ligne de mire.



Une Europe méfiante... qui stoppe les velléités du "nouveau riche"



Après s'être fait une solide réputation à l'intérieur des frontières du Royaume, Manchester City s'attaque à l'Europe. La première participation à l'épreuve phare du Vieux Continent, en 2011/2012, est un échec. Tombés dans un groupe difficile, les pensionnaires de l'Etihad Stadium sont éliminés dès le premier tour de la compétition, devancés par le Bayern Munich, habitué aux grandes rencontres européennes, et Naples, de retour dans la compétition après vingt longues années d'absence. Seul Villareal finit derrière le club mancunien. L'Europa League, jouée dans la foulée, ne correspond pas au standing du club, et est rapidement lâchée, laissant le Sporting Portugal filé vers les quarts de finale.

La campagne suivante n'est guère meilleure pour les Citizens. Le groupe est encore plus ardu, avec l'étonnant Borussia Dortmund, qui finit premier de la poule haut la main, mais aussi celle du Real Madrid. L'Ajax complète le groupe, et finit lui aussi devant Manchester City. Cet échec cuisant du club bleu ciel rappelle une donnée importante: il n'a pas la fibre européenne et doit aborder les rencontres hors Angleterre d'une manière différente. Avec zéro victoire en six matchs, le club entraîné par Roberto Mancini est la risée de l'Europe, n'arrivant pas à mettre un pied devant l'autre avec un effectif dense et de qualité.

La saison 2013/2014 doit être celle de la rédemption. Malgré la présence du champion d'Europe en titre, le groupe paraît plus abordable, le CSKA étant nettement dessous de ce qu'il était au milieu des années 2000, et le Viktoria Plzen devant normalement servir de souffre-douleurs aux favoris. La nomination de Manuel Pellegrini apporte un élan nouveau au club, qui pour la première fois, négocie bien la phase de poules, et termine avec le même nombre de points (15) que le Bayern Munich. De quoi envoyer un signal sérieux au reste des équipes.



Un effectif dense, de qualité... et cohérent?



Épouvantail des huitièmes de finale, City était le club à ne pas tirer dans le second chapeau. C'est le FC Barcelone qui se confrontera au "petit" historique de ce plateau européen. Petit, Manchester City l'a été. Vaincus à l'aller et au retour, les Anglais ont une nouvelle fois déçu dans un match à enjeu. Décisions arbitrales, méforme pour certains joueurs, match retour à l'extérieur, tant de motifs et d'excuses pour expliquer la nouvelle déroute mancunienne. Ce troisième échec en trois ans pousse à vérifier du côté des forces en présence pour voir si oui ou non, les joueurs de Manchester City sont des gros joueurs.

Le gardien Joe Hart ne réalise pas sa plus grande saison, et fait partie des gardiens de seconde zone en Europe. La défense est bancale et repose sur la solidité d'un joueur, Kompany, le capitaine mancunien, qui n'a pas eu la chance d'évoluer à côté d'un défenseur bien implanté à ses côtés. Nastasic, Demichelis, Lescott, tant de seconds couteaux qui ne donnent pas satisfaction et qui n'offrent pas au club une assise défensive digne de ce nom. Les latéraux non plus ne sont pas des foudres de guerre. A gauche, la hiérarchie n'est pas claire, Kolarov et Clichy se partagent le travail. Le couloir droit lui paraît plus sûr avec Zabaleta, qui a envoyé Richards aux oubliettes, mais qui réalise lui aussi une saison moyenne.

Le milieu, même composé de l'énorme Yaya Touré, n'est pas clair. Fernandinho, recruté cet été, paraît déjà indispensable à cette équipe, chose peu commune dans un club censé être parmi les meilleurs, le Brésilien n'étant pas une référence absolue à ce poste avant le début de la saison. Les ailiers aussi posent problème. David Silva, Milner, Nasri, Jesus Navas, beaucoup de noms et peu de résultats probants. Là-aussi, personne ne saurait donner un titulaire indiscutable, savoir qui est au-dessus de l'autre et qui mérite de jouer.

Le poste le plus problématique restant celui de l'attaque. Manuel Pellegrini a des problèmes de riches avec quatre joueurs pouvant jouer à la pointe de l'attaque. La hiérarchie semble donner Aguëro en un, Negredo en deux, Dzeko en trois et Jovetic en quatre. Sans vouloir négliger le talent de chacun de ces joueurs, aucun d'entre eux n'a prouvé sur la scène européenne qu'il était un "top player" capable de tirer son équipe vers le haut. Aguëro n'a connu que la phase finale de l'Europa League, et en méforme, ne peut pas sauver son équipe comme il l'a souvent fait. Negredo et Dzeko sont des seconds choix qui brillent contre les petites équipes, mais ont plus de mal à se mettre en évidence lors des gros matchs, comme lors de la défaite à domicile face à Chelsea. Le rôle d'un joueur comme Jovetic paraît lui aussi très flou alors qu'il peut être le facteur X de ce club.



Les bons hommes aux bons endroits?



Peut-on parler de malchance? Ce serait réducteur pour un club qui a mis autant de moyens. Dans le même style, le Paris Saint-Germain a lui aussi beaucoup investi, et retrouvera pour la seconde année consécutive le top 8 européen. Le PSG a certes eu des tirages favorables en poules et en huitièmes sur ces deux saisons, mais a aussi fait preuve d'une intelligence dans le recrutement. Contrairement à Manchester City, les dirigeants parisiens n'ont pas recruté à outrance et ont profité de l'expérience d'un directeur sportif comme Leonardo pour bâtir une équipe compétitive, pouvant progresser d'une année à l'autre et s'inviter à la table des prétendants.

L'ancien joueur brésilien a usé de son influence et de son carnet d'adresses pour monter un effectif alliant expérience et fraîcheur. L'équipe parisienne peut s'appuyer sur une colonne vertébrale solide, composée de joueurs habitués aux grandes joutes européennes. L'axe Sirigu-Silva-Motta-Ibrahimovic n'existe pas à City. Seul Touré fait office de joueur habitué aux grandes rencontres européennes, Kompany ne pouvant pas s'exprimer sans un coéquipier au niveau en charnière centrale, et le poste d'attaquant restant une inconnue à Manchester City. Paris a su mettre de part et d'autre de cette colonne, des joueurs complémentaires, avec un Alex à l'aise à côté de Silva, Verratti et Matuidi étant comme des poissons dans l'eau avec Motta, et Cavani, complément parfait à Ibrahimovic.

Le choix de l'entraîneur peut lui aussi être discuté. S'il est indéniable que Manuel Pellegrini est un grand entraîneur capable de bien faire jouer ses équipes, est-il pour autant l'entraîneur dont avait besoin ce club pour franchir un nouveau cap? Le Chilien est connu pour avoir réalisé des prouesses avec des clubs de seconde zone comme Villareal en 2006 et Malaga en 2013, proches d'atteindre la finale pour le premier et la demi-finale pour le second. Il est aussi connu pour n'avoir pas réussi à gérer l'effectif de stars du Real Madrid, échouant dès les huitièmes de finale face à l'OL en 2010. une nouvelle fois, le tacticien Chilien s'est planté face à un gros, avec un "gros", et pose la question de son impact sur des équipes censées être au rendez-vous au printemps.

Après plus de cinq ans de travaux, il serait temps que l'aigle représenté sur l'écusson des Citizens, prenne son envol.


Combien de temps faudra-t-il aux Citizens pour s'imposer comme une grande équipe européenne?



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